La culture du riz en systèmes agro-sylvo-pastoraux : une approche multisectorielle

La production de riz, aliment de base pour plus de la moitié de la population mondiale, est confrontée à des défis environnementaux et économiques croissants. Les changements climatiques, la perte de biodiversité, la dégradation des sols et la pression sur les ressources en eau rendent la culture traditionnelle du riz de plus en plus difficile. Face à ces défis, l'agriculture traditionnelle doit évoluer vers des pratiques plus durables et résilientes. Les systèmes agro-sylvo-pastoraux, qui intègrent l'agriculture, la sylviculture et l'élevage, offrent une solution innovante pour renforcer la durabilité et la productivité de la culture du riz tout en préservant les écosystèmes.

Cet article explore l’intégration de la culture du riz dans des systèmes agro-sylvo-pastoraux, en mettant en lumière les avantages, les défis et les applications pratiques de cette approche multisectorielle pour une riziculture plus durable et résiliente aux changements climatiques.

1. Définition des Systèmes Agro-Sylvo-Pastoraux

Les systèmes agro-sylvo-pastoraux sont des pratiques agricoles qui intègrent à la fois l’agriculture, la sylviculture et l’élevage dans un même système de production. Cette approche vise à maximiser les synergies entre ces différents secteurs, afin de créer un environnement agricole plus diversifié et résilient. L'objectif principal des systèmes agro-sylvo-pastoraux est de favoriser l'utilisation durable des ressources naturelles tout en améliorant la rentabilité des exploitations agricoles.

Dans ce modèle, l'agriculture (en particulier la culture du riz) est combinée avec l’élevage (bétail, petits animaux, volailles) et la gestion des forêts ou des arbres (agroforesterie). Les interactions entre ces trois composantes créent des bénéfices écologiques et économiques importants, notamment la fertilisation naturelle des sols, la gestion durable de l’eau, la diversification des sources de revenus, et la préservation de la biodiversité.

2. Les Avantages des Systèmes Agro-Sylvo-Pastoraux pour la Culture du Riz

a. Optimisation de la Fertilité des Sols

L'une des grandes forces des systèmes agro-sylvo-pastoraux réside dans leur capacité à améliorer la fertilité des sols. Dans ces systèmes, les arbres jouent un rôle crucial en apportant des nutriments au sol grâce à la décomposition de leurs feuilles et racines. Ces nutriments enrichissent les sols, favorisent leur structure et améliorent leur capacité à retenir l'eau. De plus, les racines des arbres agissent comme un filet naturel, prévenant l'érosion et améliorant la rétention d'eau. Le fumier produit par les animaux d’élevage, intégré à ce système, sert de fertilisant naturel pour les cultures de riz, réduisant ainsi la dépendance aux engrais chimiques.

b. Gestion Durable de l'Eau

La culture du riz nécessite une grande quantité d’eau. Dans les systèmes agro-sylvo-pastoraux, la gestion de l'eau est optimisée grâce à la présence d'arbres et d'autres plantes qui réduisent l'évaporation et améliorent l’infiltration de l'eau dans les sols. Ces systèmes permettent également de mieux gérer les périodes de sécheresse et les inondations. Les racines des arbres aident à absorber l'excès d'eau pendant les périodes de forte pluviométrie, tout en conservant l'humidité dans les sols pendant les périodes sèches. De plus, dans les zones rizicoles irriguées, les haies et les plantations d'arbres peuvent servir de coupe-vent, réduisant ainsi l’évaporation de l’eau des rizières.

c. Amélioration de la Biodiversité et Résilience Écologique

Les systèmes agro-sylvo-pastoraux contribuent à maintenir et à améliorer la biodiversité des paysages agricoles. L’introduction d’arbres et d’autres formes de végétation crée des habitats pour diverses espèces animales et végétales, ce qui favorise la pollinisation, le contrôle naturel des nuisibles et la régulation des écosystèmes. La présence d'arbres et de végétation permet également d'augmenter la diversité des cultures, ce qui réduit la vulnérabilité des exploitations agricoles face aux maladies ou aux changements climatiques.

L'intégration de l'élevage dans ces systèmes permet également de diversifier les sources de revenus et de renforcer la résilience des exploitations. En cas de mauvaises récoltes de riz, l’élevage d'animaux permet aux exploitants de maintenir un revenu stable, réduisant ainsi leur vulnérabilité économique.

d. Diversification des Sources de Revenus

Un autre avantage majeur des systèmes agro-sylvo-pastoraux est la diversification des sources de revenus. En plus de la production de riz, les agriculteurs peuvent tirer des revenus supplémentaires de la vente de produits ligneux (bois, fruits, miel, etc.), des produits non ligneux (plantes médicinales, herbes, champignons) et de l’élevage (viande, lait, œufs). Cette diversification permet aux agriculteurs de mieux gérer les risques économiques, en réduisant leur dépendance à une seule culture, et d’augmenter leurs revenus tout en ayant une activité agricole durable.

e. Réduction de l’Usage des Intrants Chimiques

L’utilisation de l’élevage dans un système agro-sylvo-pastoral permet également de réduire la dépendance aux intrants chimiques. Le fumier animal peut être utilisé comme fertilisant naturel, réduisant ainsi l’utilisation d’engrais chimiques et d’autres produits chimiques. Cette réduction des intrants chimiques est bénéfique pour la santé des sols, de l’eau et des écosystèmes environnants.

3. Les Défis de l’Intégration de la Culture du Riz dans des Systèmes Agro-Sylvo-Pastoraux

Malgré les nombreux avantages, l’intégration de la culture du riz dans un système agro-sylvo-pastoral présente certains défis qui doivent être pris en compte.

a. Conflits d'Espace et de Ressources

L’un des principaux défis est la compétition pour l’espace et les ressources. Les arbres et les cultures de riz ont des besoins en termes de lumière, d'eau et de nutriments, et il est donc essentiel de planifier soigneusement la disposition des cultures et des arbres. Par exemple, certains types d'arbres, s'ils sont plantés trop près des rizières, peuvent concurrencer le riz pour l'eau et les nutriments. Cependant, des pratiques agroforestières bien conçues, comme les haies ou les arbres en ligne, peuvent minimiser cette concurrence.

b. Complexité de la Gestion

La gestion d’un système agro-sylvo-pastoral est plus complexe que celle d’une monoculture de riz. Les agriculteurs doivent jongler avec plusieurs activités (agriculture, élevage, sylviculture), ce qui peut nécessiter plus de compétences techniques et de connaissances spécialisées. La coordination entre les différentes composantes du système peut également être un défi. Les systèmes de gestion intégrée et les programmes de formation sont nécessaires pour garantir que les agriculteurs adoptent les bonnes pratiques et maximisent les synergies entre l'agriculture, l'élevage et la sylviculture.

c. Investissements Initiaux

Bien que les avantages à long terme des systèmes agro-sylvo-pastoraux soient évidents, les investissements initiaux peuvent être élevés, en particulier pour les petites exploitations agricoles. Les agriculteurs doivent investir dans des semences d’arbres, des installations pour l’élevage, et parfois des infrastructures pour gérer l’eau. Ces coûts peuvent être un obstacle, surtout dans les régions où les ressources financières sont limitées. Les politiques publiques et les programmes de financement agricole peuvent jouer un rôle important en soutenant cette transition.

d. Temps de Maturation des Arbres

Les arbres intégrés dans les systèmes agro-sylvo-pastoraux ne fournissent généralement des bénéfices qu’à long terme, avec une période de maturation qui peut varier de quelques années à plusieurs décennies, selon le type d’arbre. Les bénéfices immédiats en termes de produits agricoles (comme le riz) sont plus rapides, mais les avantages à long terme, comme la gestion des sols, la lutte contre l’érosion et la production de bois, ne se manifesteront pleinement qu’après plusieurs années.

4. Exemples de Systèmes Agro-Sylvo-Pastoraux dans la Riziculture

a. Le Système Agro-Sylvo-Pastoral en Asie du Sud-Est

Dans de nombreuses régions d'Asie du Sud-Est, comme au Vietnam, au Cambodge et en Thaïlande, des systèmes agro-sylvo-pastoraux ont été mis en place pour améliorer la gestion des rizières. Dans ces systèmes, les arbres fruitiers (manguiers, cocotiers, citronniers) sont cultivés autour des rizières. En plus de fournir des fruits et des ressources ligneuses, ces arbres jouent un rôle clé dans la gestion de l'eau et la protection contre les tempêtes.

Les agriculteurs combinent également l’élevage de poissons et de canards dans les rizières, une méthode connue sous le nom de riziculture aquatique. Les canards aident à contrôler les mauvaises herbes et les insectes, tandis que les poissons contribuent à l'aération des sols et à la réduction de l'utilisation des produits chimiques.

b. Les Systèmes Agroforestières en Afrique

En Afrique de l’Ouest, des systèmes agroforestières intégrant la culture du riz et l’élevage ont été expérimentés pour améliorer la gestion des sols et de l’eau. Les arbres comme les acacias et les moringas sont utilisés pour améliorer la qualité du sol et offrir des produits secondaires tels que le bois et les feuilles pour l’alimentation du bétail. Ce type de système aide à gérer les sécheresses et les périodes de faible pluviométrie, en réduisant les pertes de rendement en riz.

Conclusion

La culture du riz en systèmes agro-sylvo-pastoraux représente une solution novatrice pour faire face aux défis agricoles actuels. En intégrant l’agriculture, l’élevage et la gestion des arbres, ces systèmes favorisent une utilisation durable des ressources, une amélioration de la biodiversité et une résilience accrue face aux changements climatiques. Cependant, pour réussir cette transition, des investissements en formation, technologies, et financement sont nécessaires pour soutenir les agriculteurs dans l’adoption de ces pratiques.

Les systèmes agro-sylvo-pastoraux offrent une voie pour une riziculture durable qui peut non seulement améliorer les rendements et la rentabilité, mais aussi préserver les écosystèmes et répondre aux enjeux climatiques et économiques actuels.